L'hôtel Donon

Depuis 1990, le musée Cognacq-Jay est niché dans un hôtel particulier en plein cœur du Marais, l'hôtel Donon.

Escalier historique

Les terrains sur lesquels l'hôtel Donon fut construit étaient inclus dans l'enceinte de Charles V dès le XIVe siècle. Ils faisaient partie de la " Culture " de Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers. Au XVIe siècle, le lotissement par François Ier de l'Hôtel royal de Saint-Paul, situé le long du quai des Célestins, fit prendre de la valeur aux terrains situés dans le Marais et entraîna d'autres opérations semblables. Ainsi, en 1545, les religieux de Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers lotirent leurs terrains. A cette occasion, tout un réseau de voies nouvelles fut créé. L'ancien chemin séparant la culture Sainte-Catherine de la censive du Temple devint la rue Diane, puis rue des Trois-Pavillons (l'actuelle rue Elzévir). Le plan de Turgot, paru en 1739, montre encore, à l'angle de la rue des Francs-Bourgeois, la maison avec trois pavillons coiffés de hautes toitures qui lui valurent son nom.

Plan Turgot
Turgot, Plan de Paris au XVIIIe siècle, 1734-1739
© © Gallica / BNF

Les propriétaires de l'hôtel Donon

En 1575, Médéric de Donon acquit des parcelles pour aussitôt faire construire sa demeure. Le nouveau propriétaire appartenait à une famille originaire d'Ile-de -France ; contrôleur général des Bâtiments du roi, il avait épousé Jeanne della Robbia, fille du sculpteur Girolamo della Robbia. Il habita jusqu'à sa mort l'hôtel qui resta dans la famille Donon jusqu'en 1640. L'hôtel devint alors la propriété de la famille Le Mairat qui le conserva jusqu'en 1798. A cette date, il fut adjugé à Bourgois-Hénault de Tourneville. Les héritiers de ce dernier le possédaient encore en 1930. Comme beaucoup de bâtiments du Marais, au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle, l'hôtel Donon avait été utilisé à des fins commerciales et était défiguré par des appentis ; les clichés d'Eugène Atget témoignent de cet état. La Ville de Paris en fit l'acquisition en 1974 et le restaura afin d'y présenter les collections du musée Cognacq-Jay. Entre-temps, l'hôtel avait été classé Monument Historique.


L'architecture de l'hôtel Donon

L'architecte de l'hôtel a adopté un plan régulier : les bâtiments entourent une cour rectangulaire. Au fond, le corps de logis principal est situé entre cour et jardin ; deux ailes le relient au bâtiment sur rue ; celle du sud abritait probablement des remises et les écuries, alors qu'une simple galerie occupait l'aile nord. Du côté de la cour, ainsi que du côté du jardin, s'avancent deux petits pavillons latéraux. La structure du corps de logis principal est caractéristique des hôtels du Marais au XVIe siècle : deux étages de caves - l'un d'entre eux en demi sous-sol réservé aux cuisines et à la salle du commun - au-dessus desquels s'élèvent deux étages de même hauteur, l'un en rez-de-chaussée haut réservé aux appartements de réception, l'autre étage carré coiffé d'un haut comble, l'un des plus beaux existant encore aujourd'hui.

L'élégance de cette architecture est due à la perfection du rythme des ouvertures : demi-croisée - croisée - croisée - demi-croisée. Subtilement, du côté de la cour, tout concourt a créer un effet pyramidant : ainsi les deux lucarnes percées dans le comble sont réunies sous un même fronton ; du côté du jardin, seules les croisées pleines sont surmontées de lucarnes. Cette pureté déjà classique n'est alourdie par aucun décor sculpté : à la base du toit, les consoles sont laissées nues, de simples moulures soulignent l'arrondi des lucarnes et les rampants des frontons. Si le corps de logis principal semble intact, il n'en est pas de même des pavillons : l'analyse de leur construction fait penser à un ajout ou une surélévation.

Les transformations apportées aux XVIIe et XVIIIe siècles ne permettent plus de situer avec certitude l'emplacement de l'entrée principale de l'hôtel. Il est probable qu'une porte percée au rez-de-chaussée du pavillon nord de la cour donnait accès à l'escalier desservant l'appartement, les communs et le jardin. L'escalier actuel, du type " à vuide " et pourvu d'une rampe en fer forgé date de la fin du XVIIe siècle, comme le montrent ses caractéristiques et les comparaisons avec d'autres escaliers dans le Marais. Sa modification entraîna celle du pavillon nord et, par souci de symétrie, une transformation du pavillon sud. Les ailes furent probablement surélevées en même temps, comme l'ont suggéré, lors de la restauration de l'hôtel, les traces d'une ancienne toiture de l'aile nord. Par ailleurs, on remarque que les fenêtres des galeries latérales ne comportent pas de meneaux contrairement à celles du grand corps de logis. L'architecture du bâtiment sur rue, avec son portail surmonté d'un fronton orné d'une coquille, ne peut pas davantage dater du XVIe siècle mais d'une campagne de travaux plus tardive, sans doute de la fin du XVIIe siècle. Sans doute vers 1710, un accès direct au jardin depuis l'appartement de réception, situé au rez-de-chaussée haut, fut aménagé en perçant une porte-fenêtre ouvrant sur un perron (plan de Paris par Jaillot, 1774).

Quelques éléments de décor intérieur subsistent. De la décoration d'origine il reste, dans la chambre basse (salle IV du musée) et dans le pavillon nord donnant sur le jardin (salle II), des plafonds à poutres et solives apparentes, peintes à l'imitation de la marqueterie avec des ornements tels que des rosaces de feuillages. Des transformations du début du XVIIe siècle datent les boiseries blanches et or situées dans le même pavillon et dans la grande pièce du rez-de-chaussée (salle III).


L'hôtel Donon et les hôtels du Marais au XVIe siècle

Le quartier dans lequel s'installait Médéric de Donon devenait, à la fin du XVIe siècle, le quartier à la mode. L'architecte Philibert de l'Orme y avait acheté des terrains sur lesquels il se fit construire une maison. En 1575, cet architecte était mort depuis 5 ans, cependant son influence restait considérable ; contrôleur des Bâtiments du roi, Médéric de Donon pouvait avoir été en relation avec lui, et avec l'architecte Jean Bullant qui continua la construction du château des Tuileries après la mort de de l'Orme. Le dessin général de l'hôtel Donon est proche de la demeure de Philibert de l'Orme. Quelques éléments en étaient remarquables : salle du commun et cuisines desservies par un corridor et placées dans un rez-de-chaussée bas voûté ; escalier situé dans le pavillon de gauche de la cour ; ailes latérales comprenant un rez-de-chaussée d'arcades et un étage et coiffées d'une haute toiture ; une modénature très sobre. L'autre modèle est l'hôtel Carnavalet dont la construction remonte aux années 1545. L'architecture y est plus ambitieuse et le décor plus riche, mais le plan d'ensemble est identique.

Cependant, des changements introduits à l'hôtel Donon révèlent un souci de commodité : cuisines et salle du commun placées en rez-de-chaussée bas et plus proches des appartements. Ces nouvelles dispositions se retrouvent dans des hôtels voisins : hôtel de Pierre Le Jay - aujourd'hui d'Albret - (1546-1563), hôtel de Marle (1560 achevé en 1572), et, rue Elzévir, hôtel de Savourny (1585-1587). Des partis autres ont été choisis à l'hôtel Le Mairat, rue des Francs-Bourgeois, vers 1572-1586 et à l'hôtel d'Angoulême, rue Pavée, en 1585-1590. Ils témoignent des usages et de l'inventivité des architectes parisiens à la fin du XVIe siècle et du rôle du Marais comme terrain d'expériences, avant même son apogée au XVIIe siècle.

Ainsi, malgré ses modifications, l'hôtel Donon est l'un des rares témoins et le plus bel exemple subsistant d'une formule qui a connu un grand succès avant d'être remplacée par les nouveaux types qu'inventeront Androuet du Cerceau, Mansart ou Le Vau.

Vous pourriez également être intéressé par